Kazimierz Dzyga Article 1985

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D'abord il y a le jardin, mouvant comme une terre d'ombres, puis vous pénétrez la maison fraîche et claire comme une toile de Magritte. L'atelier est au fond, tout au bout du chemin. Au bord de la fenêtre, le chevalet est ouvert en permanence. Ce n'est pas difficile d'y entrer, tout vous y invite jusqu'à cette femme qui vous ouvre deux pans de ciel (ouverture céleste) pour mieux vous fondre dans le décor. Il est déjà trop tard pour faire demi-tour, la peinture de Kazimierz Dzyga vous aspire, c'est grisant, tout juste inquiétant. Ses toiles magiciennes dénouent les rêves et enchaînent les phantasmes comme des tornades à l'envers. De toute façon il ne faut pas songer à repartir car sa peinture est implacable, sensible et susceptible tout comme une femme. Pourtant quand l'étreinte se desserre, elle vous laisse entrevoir des sentiers très doux, des no man's lands accueillants; une bulle file, c'est l'occasion d'une trêve à saisir d'urgence. Ecoutez, ses toiles sont musicales (Escarboucle), peuplées de notes d'opale juste destinées à prolonger l'envoûtement. Symphonie cuivrée pour une chevelure rousse, ou balade aquatique pour une femme sirène (la fontaine des désirs). Kazimierz Dzyga peint à l'aventure, il suffit d'une femme pour générer un décor, tout un univers; femme volcan ou femme offerte, fausse pudeur dans des chaussons de soie, la femme au pouvoir générateur. Femmes familières, affamées, fantaisies et fantasques, on feuillette la peinture de l'artiste comme un catalogue d'hommages.

Mais ses résumés de femmes ne sont pas exhaustifs, il reste toutes celles qu'il n'a pas encore peintes et qui jouent à la volupté dans les limbes de son cerveau. La femme insuffle à Kazimierz une force tranquille et terrifiante, décuplant son désir de perfection. Il peint jusqu'à l'oubli de lui-même. Parfois ces femmes peintes n'ont pas de regard car leur corps tout entier figure des yeux disponibles où l'on peut plonger sans équivoque. Transe picturale, son pinceau se fait caresse sur les courbes des collines, passion à la pointe d'un sein. Le cadre est mensonger car il n'y a pas de limite à son amour. Il se prolonge éternellement dans l'œuvre à venir. Ses toiles sont des miroirs où se reflète le quotidien transcendé, c'est ce qui séduit d'abord. Kazimierz a l'habitude de se sacrifier aux femmes qu'il engendre, ses toiles sont des œuvres de chair, palpitantes, à griffer, mordre, aimer à coups de regards. Il y a souvent dans ses toiles une absence, celle de la femme justement, clairement suggérée. Dans ces instants-là, elle peut être encore plus présente, d'une discrétion perverse trahie par un titre évocateur (fusion 1982, le Berceau d'Hélios 1985), temple secret d'un érotisme avoué.


L'artiste ne rêve jamais de ses toiles. Ses nuits sont trop courtes et puis toutes ses frasques oniriques viennent spontanément s'inscrire sur le chevalet sans qu'il ait besoin de s'encombrer d'images quand il fait des provisions de sommeil. Comme tous les noctambules il reconnaît la nuit, la vraie, pure débarrassée de toutes ses fausses espérances; celle des silences grignotés, des senteurs révélées; l'espace démultiplié lui offre un port d'attache. Il aime d'amour la sœur jumelle de Morphée, l'autre déesse, celle qui troque le sommeil pour un peu d'illusion, la prostituée funambule qui joue avec le feu. Mais le peintre aime aussi le jour. Il en distille sa lumière pour lui emprunter des couleurs particulières. Il est cependant dans la vie de l'artiste un lieu secret qui n'est ni le jour ni la nuit. Aucune aube, aucun crépuscule ne peut donner de tels ciels (la fontaine des désirs, sources de vie).

Ils n'existent pas non plus au jardin de l'imaginaire, trop précis, trop réels. Ils viennent d'un endroit à l'intérieur de sa tête, un royaume très privé où il erre seul en quête de l'absolu. Mais Kazimierz ne passe pas sa vie à peindre, il est à l'affût de la vie dans toutes ses manifestations. Il sait griser de mots, usant de sa liqueur d'images comme d'un élixir de bonheur. Il cultive aussi un jardin de fleurs, cocktail de hasards: ce sont autant de taches de couleur sur le chevalet brun de la terre. Il peut rester seul en tête-à-tête avec lui-même mais quand la solitude lui pèse trop, il crée une partenaire pour jouer à la découvrir; mais II lui faut plus encore : le monde entier pour en saisir ses rires cathédrales. Cela fera bientôt vingt ans que Kazimierz peint pour le meilleur et pour le pire, pas de sa faute s'il a épousé une peinture ardente et insatiable. Il se souvient avec tendresse de ses premières œuvres sur des toiles improvisées, bois ou carton, tout lui était bon pour raconter des histoires.


Quelque part son premier atelier existe toujours, sous un toit, le plus près possible des étoiles. Il y a un jardin, une échelle pour accéder à ce grenier secret. Le chevalet a disparu mais il reste une toile; fragile, indécise, elle n'attend aucune visite et plus un regard pour la faire vivre mais les couleurs la tourmentent; ce n'est pas d'une femme qu'il s'agit mais d'un bateau qui tangue et qui guette, toujours, le voyage entre deux pans de ciel. Il n'est pas d'élément dans la peinture de Kazimierz Dzyga qui ne soit palpable, jusqu'aux bulles aériennes qui sont douces au regard. On peut s'égratigner sur ses décors de pierre et en un coup d'œil fondre dans le moelleux des coussins de soie (Vénus née de l'azur).
Kazimierz Dzyga maîtrise la pierre avec une technicité redoutable. De la même manière il dompte les ciels impatients. Si ses toiles se consument à petit feu, c'est la faute aux couleurs d'acier qui embrasent l'espace. Pierre, soleil, végétal, feu, femme, absence d'eau ou d'un quelconque liquide élixir de vie. Il ne figure aucune rivière dans les toiles de Kazimierz, ses lacs accueillent des eaux dormantes et la Fontaine des Désirs coule à sec, privée de sa substance. Pourtant toute la peinture de l'artiste est fluide, pareille à un frisson, les tons d'eau ne sont pas rares et curieusement certains titres de ses toiles sont tout imprégnés de ce liquide invisible (le chemin des lacs, la fontaine Atlante). Sa peinture puise, inexorable, aux sources du rêve comme un puits où chaque goutte d'eau serait une molécule d'image.
K. Dzyga, peintre autodidacte polonais vît et travaille à Evreux dans l'Eure.

 

PRINCIPALES EXPOSITIONS

- 1968 Paris, Galerie de Vinci.
- 1973 Bruxelles, Salon d'automne.
- 1975 Courbevoie, Salon de la peinture fantastique.
- 1976 Courbevoie, Salon.
- 1977 Paris, Salon des indépendants.
- 1979 Paris, Salon des indépendants.
- 1981 Cholet, Galerie Monique Bourgeois.
- 1981 Paris, Fiac au Grand palais.
- 1982 Osaka, Japon Festival International de la peinture.
- 1982 La Baule, Galerie Ariane.
- 1983 Osaka, Festival International de la peinture.
- 1984 Bordeaux, Mérignac, Biennale art fantastique.
- 1985 Tokyo. Japon Art Expo 1985.
- 1986 Paris, Salon des indépendants.
- 1986 Paris, Salon Comparaison.
- 1986 Paris, Salon de Dessin et de la peinture à l'eau.


Prochaine exposition : 19 septembre 1987. Lille, Galerie Shermes et octobre 1988 à Paris.

 

BIBLIOGRAPHIE :

1980 "Du surréel au fantastique", Jean-Louis Monod.
Alain Lefeuvre Éditeur.

 

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Coordonnées actuelles
Atelier - La Fontaine d'Aillac - 24480 Molières
Tél. 05 53 73 28 61 - Fax 05 53 73 28 62.
Peintre autodidacte, né en Allemagne le 5 janvier 1945, polonais, naturalisé
français en 1977.
Vît et travaille dans le Périgord.

E-mail : Kazimierz Dzyga